Modèles de données, algorithmes et capteurs : des atouts indispensables
Publié le 13 juillet 2022Les données représentent la nouvelle ruée vers l’or du modèle économique d'une entreprise de maintenance. Cela peut sembler exagéré, mais un nombre sans cesse croissant de prestataires de services multi-techniques font des données le fer de lance de leurs services. Ils adaptent ainsi leurs activités, voire crée des sociétés dédiée. « Notre activité repose désormais sur deux piliers : d’une part la durabilité, d’autre part le numérique et les données » explique Maikel Nabuurs, responsable Monitoring & Datamanagement chez SPIE Nederland.
Tout commence par les données brutes
« Tout commence par les données brutes. On peut même affirmer que ces données sont les plus importantes. Les données brutes désignent les données statiques relatives à l'objet et au client : bâtiment concerné, équipements présents, historique de la maintenance, plan de maintenance, et autres informations factuelles », poursuit Maikel Nabuurs. « Recueillir des données complètes et cohérentes est un défi » ajoute Timo van Drenth, chef de projet au sein de SPIE Nederland. L’expérience lui a enseigné que, dans bien des cas, l’information est segmentée et parfois difficile à obtenir. « Obtenir ces informations, surtout sur des bâtiments anciens, peut s’avérer complexe. »
Maikel Nabuurs explique : « Au début d’un contrat, nous procédons à une mesure de référence en collectant et en vérifiant les données brutes. Nous devons savoir si les hypothèses sur lesquelles nous comptons travailler sont également correctes. C’est pourquoi cette première étape est vraiment importante. Elle prend également beaucoup de temps. Si les données sont incorrectes, cela peut occasionner des coûts supplémentaires à la suite de dysfonctionnements. La qualité et la fiabilité des données brutes sont des critères plus en plus déterminants pour définir la valeur d'un bien immobilier. »
Le neuf comme mesure de référence
Dans un bâtiment neuf, les choses semblent plus simples. En effet, la conception et l’exécution des processus de construction sont de plus en plus - parfois entièrement - numériques. Pourtant, cela ne suffit pas. Timo van Drenth fait observer que « dans le cas d’un bâtiment neuf, vous disposez immédiatement d'une bonne mesure. C’est du moins ce qu’on peut penser. Seulement, l’expérience nous a montré que, lors de la conception et de la réalisation d'un bâtiment et de toutes ses installations, on prend encore trop peu en compte la phase de gestion et de maintenance. Les concepteurs et les constructeurs n’ont en effet généralement aucun intérêt à long terme après l’achèvement d’un bâtiment. Quant aux clients, lorsqu’ils prennent possession du bâtiment, ils ignorent trop souvent comment configurer correctement les données pour les exploiter après la livraison. »
« Certes, cela arrive, » dit Maikel Nabuurs, « mais avant tout dans les contrats DBM(O) (conception, construction, maintenance, [exploitation]), comme nous l’avons vu dans le cas de la Caserne de Knoop. Dans un contrat englobant la conception, la construction et la maintenance, la réflexion est intégrée dès le début du processus, et, dans la mesure du possible, les responsables de la maintenance et de la gestion participent à la concertation aux cotés des concepteurs. De cette manière, nous pouvons nous assurer que les données importantes après la livraison sont bien définies dès la conception et enregistrées pendant la phase de réalisation. »
Bien que l'on attende souvent beaucoup d'un BIM, celui-ci n’est pas, par définition, utile à la maintenance et la gestion, font remarquer Maikel Nabuurs et Timo van Drenth. « Dans la pratique actuelle, nous constatons qu’il ne concerne encore que trop souvent les concepteurs et les constructeurs. L’idée fait son chemin, mais il est fréquent que seule une partie de ce modèle soit également exploitable après la livraison. »
Collaborer avec des spécialistes des données
Une fois les données brutes disponibles, il faut ajouter les données en temps réel au système, selon les experts de SPIE. Ces données proviennent de nombreux systèmes. Dans de nombreux cas, il s'agit de systèmes familiers, tels que les systèmes de gestion de bâtiments, les systèmes d'accès et les autres installations liées aux bâtiments, qui génèrent tous de plus en plus de données. « Collecter les données est une chose, mais les exploiter utilement en est une toute autre », commente Maikel Nabuurs. « C’est pourquoi nous travaillons de plus en plus avec des analystes et des data scientists. In fine, ils nous aideront à utiliser ces données pour optimiser nos modèles économiques. Actuellement, ils passent au moins soixante pour cent de leur temps à nettoyer ces données et à les intégrer dans un modèle. Ce pourcentage doit baisser le plus rapidement possible. Une condition préalable importante est que notre secteur conclue des accords sur les normes. Nous et un certain nombre d’autres acteurs importants du secteur, nous avons opté pour le projet ‘Haystack’ et la manière dont nous mettons les données à disposition. En fin de compte, c’est important pour tout le monde. »
Souhaits et priorités
Pour Maikel Nabuurs, « de toute évidence, nous ne cherchons pas à recueillir le plus de données possible pour chaque bâtiment et chaque contrat. Il peut s'agir de la durabilité, ce qui signifie que nous donnons la priorité au contrôle et au comptage de l'énergie. Toutefois, le confort et la climatisation, par exemple, sont actuellement des préoccupations fortes, surtout depuis que la pandémie de coronavirus a montré l'importance d'une ventilation suffisante et du renouvellement de l’air. Nous commençons ensuite par le plus facile, à savoir, la collecte de données issues des systèmes existants. Pour finir, nous pouvons décider d’installer des capteurs supplémentaires, par exemple pour suivre partout les émissions de CO2. Ces réseaux de capteurs sont d’ailleurs de moins en moins coûteux. »
« À la demande de l’université technologique de Delft, réalisé un projet pilote de surveillance des centrales de traitement d'air (CTA). Nous avons ainsi testé de nouveaux filtres dans quatre CTA plus ou moins similaires et de même capacité. Le but était d’améliorer la qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments et, en outre, de réduire la consommation d’énergie. Grâce aux capteurs que nous avons mis en place dans les filtres, nous recueillons beaucoup d’informations que nous pouvons utiliser pour améliorer la maintenance préventive » conclut Timo van Drenth.
Les atouts essentiels
La maintenance prédictive est l'une des raisons pour lesquelles il est important de construire le modèle de données le plus complet possible. Comme nous l'avons mentionné, cela nécessite des spécialistes, tels que des data scientists, mais aussi du matériel fiable et des réseaux sécurisés. Tout comme une chaudière ou une centrale de traitement de l'air, nous devrons considérer les réseaux de capteurs et les algorithmes comme des actifs essentiels. Ces équipements et logiciels nécessitent maintenance et paramétrage. Il y a quelques années, la qualité des capteurs était parfois incertaine, mais cela s'améliore rapidement. Outre la qualité des capteurs, leur emplacement requiert une attention particulière. Assurez-vous également que les capteurs ne sont pas déplacés sans en être informés. Les données brutes appartiennent toujours au propriétaire", affirment Nabuurs et Van Drenth. Les grands acteurs en sont conscients. Et nous le respectons, car ces données doivent être disponibles pour une autre partie chargée de la maintenance si elle reprend un contrat. Nous voulons également disposer de ces données lorsque nous commençons à travailler sur une propriété. Cependant, dès que nous ajoutons de l'intelligence à ces données, en les utilisant dans nos systèmes et modèles via des algorithmes, elles deviennent nos atouts. Mais les données brutes sont toujours conservées, de sorte qu'elles peuvent être transférées lorsque le propriétaire le souhaite.
Travailler avec des normes universelles
Nous veillons presque toujours à ce que les données que nous traitons, via notre plateforme PULSE Core, soient accessibles au propriétaire, et à d'autres parties impliquées dans la maintenance ou la gestion. Dans tous les cas, le client peut voir ce que nous faisons et sur quoi nous fondons nos conclusions ; il est bon d'être aussi transparent que possible à cet égard. Ce qui rend parfois notre travail plus difficile, convient M. Van Drenth avec son collègue, c'est l'installation de systèmes fermés. Malheureusement, dans la pratique, nous rencontrons encore parfois des fournisseurs qui installent des systèmes intelligents, mais dont les données ne sont pas disponibles ou seulement dans un format tel que nous ne pouvons pas les utiliser. C'est un aspect dont les clients, en particulier, doivent être conscients. Dans tous les cas, ils pourraient fixer des conditions sur la manière et le format dans lequel un fournisseur doit mettre à disposition les données de son système. Nous jouerons également un rôle de conseil dans ce domaine", poursuit M. Nabuurs. Nous n'avons évidemment rien contre le fait qu'un spécialiste dans un domaine technique particulier fournisse et installe un système intelligent. Mais vous devez vous assurer que les données peuvent être intégrées dans des modèles qui fonctionnent selon des normes universelles.
Sur la voie des jumeaux numériques
En fin de compte, Nabuurs et Van Drenth prévoient que les modèles qu'ils sont en train de construire conduiront à ce que l'on appelle des jumeaux numériques. Avec l'intégration de Worksphere, SPIE Nederland a déjà fait de grands progrès pour devenir un spécialiste des jumeaux numériques intégrant les données, le machine learning et l'intelligence artificielle. En coopération avec TU Delft et d'autres partenaires, nous utilisons déjà le machine learning et l'IA dans une certaine mesure dans le cadre du projet de recherche B4B (brains for buildings) pour rendre notre maintenance et notre gestion plus efficaces. Nous pouvons également prévoir la consommation d'énergie. En outre, nous utilisons ces éléments pour l'aspect non technique de la gestion des bâtiments, c'est-à-dire pour savoir ce que l'utilisateur pense de son environnement et confort à l’intérieur. Nous pouvons mieux y répondre grâce à ces technologies, explique M. Van Drenth. Le plus important est que, outre le matériel et les systèmes intelligents, nous attirions les bonnes personnes. Outre les data scientists, nous recherchons notamment des consultants en maintenance, des spécialistes de la physique du bâtiment, des spécialistes des installations et de la logistique. Ces personnes sont difficiles à trouver. Lors des salons de l'emploi, nous nous trouvons parmi Philips, ASML et Microsoft, qui recherchent plus ou moins les mêmes spécialistes. Notre avantage est que ces spécialistes ne sont pas un parmi cent ou parmi mille dans ce poste. Ces spécialistes peuvent réellement faire la différence dans notre profession. Ils travaillent sur problématiques concrète : améliorer la santé des gens, tendre à supprimer la consommation d'énergie fossile. Heureusement, de tels défis semblent plaire à de nombreuses personnes", conclut M. Nabuurs.